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" En fait, je suis complètement hostile au fait de retirer. Mais un historien doit garder effectivement ses distances et ne pas lancer la polémique. "

Qui est-elle ?
Historienne, spécialiste des questions politiques et religieuses, Jacqueline Lalouette est professeure émérite à l’université de Lille et membre de l’Institut universitaire de France.  Elle a publié de nombreux livres, dont Un peuple de statues, La célébration sculptée des grands hommes. France 1801-2018 en 2018 qui recense et compte les différentes figures monumentales présentes dans l’espace public. Ce travail décrit notamment le processus iconoclaste de la Révolution française. En février 2021, Jacqueline Lalouette publie Les statues de la discorde aux Éditions Passés Composés et revient sur la vague iconoclaste initiée le 22 mai 2020 par le déboulonnage de deux statues de Schoelcher en Martinique.

 

Positionnement

Dans une interview donnée à Science Avenir, Jacqueline Lalouette se prononce contre le déboulonnage des statues.

 

“On peut en effet, ajouter des panneaux explicatifs qui ne seront d’ailleurs peut-être (sans doute) pas lus, pas plus que ne le sont les inscriptions gravées sur les piédestaux. Pendant que je travaillais sur les représentations sculptées des grands hommes, maints exemples m’ont prouvé que la plupart des gens sont indifférents aux statues, ne les regardent pas, ne savent pas qui elles représentent et parfois ne savent même pas qu’elles existent.”

 

Elle insiste sur le fait que la statue représente ce que chacun a envie d’y voir. Elle en veut pour preuves les débats qui ont entouré la statue en marbre de Schoelcher érigée devant le palais de Justice de Fort-de-France. Schoelcher est représenté avec une jeune esclave tout juste libérée à ses côtés. 

 

“Les adversaires de cette statue disent que c’est une statue paternaliste parce que Victor Schœlcher est penché vers la petite fille. La petite fille lui envoie un baiser. Mais décider que c’est une statue paternaliste, c’est déjà une construction toute faite. Moi, quand je regarde cette statue, je n’y vois pas de regard paternaliste. J’y vois un geste de tendresse réciproque.” 

 

Selon elle, il n’y a donc pas de vérité de la représentation de ces figures.

 

“Qui décide que tel regard est plus vrai, plus juste, qu’un autre regard ? Vous décidez que c’est paternaliste ou vous décidez que c’est tendre.”

 

Pour autant, ces statues ont bien un sens, plus ou moins complexe en fonction des cas. Mais ce sens est méconnu par la plupart des gens. La dimension patrimoniale, le nom de sculpteur, les commanditaires de la statue, la date d’inauguration, sont presque systématiquement passés sous silence. 

 

Jacqueline Lalouette revient sur la figure de Schoelcher et l’évolution du récit historique de l’abolition de l’esclavage. Selon elle, il fallait, à juste titre, mettre en lumière le rôle des esclaves et des révoltes des esclaves mais ne pas balayer totalement le rôle central de Schoelcher.

 

“On entend des gens qui nous expliquent que Schoelcher était un faux abolitionniste, qu’il s’est rallié à la thèse de l’abolition complète et immédiate tardivement alors qu’en 1840 et 1842 il montre très clairement qu’il est passé de ses idées primitives d’une abolition progressive à une abolition entière et immédiate.”

 

L’importance du lien entre le lieu et le statufié est nécessaire à l’appréhension de la controverse. Pour apporter une réponse qualitative, le lieu de la statue doit être pris en compte dans la construction du sens de la statue. Ainsi, elle affirme que contester la statue de Faidherbe à Lille en invoquant son rôle dans la colonisation au Sénégal n’a pas de sens. La statue érigée à Lille a pour sens la glorification du commandant des armées du Nord de Napoléon. Justifier la contestation par son implication dans la colonisation revient à rompre le lien logique entre le monument et son lieu.

 

Elle prône la réalisation d’un vrai rééquilibrage des mémoires à travers la multiplication des statues. 

 

“En ce qui concerne plus spécifiquement les statues liées à l’histoire de la colonisation et de l’esclavage, la réponse idéale me semble devoir être trouvée dans l’érection d’effigies d’hommes et de femmes noires ou mûlatres, esclaves ou non, ayant combattu pour la liberté, parfois au prix de leur vie.”


 

Solutions envisagées

Pour elle, la solution se trouve dans la conservation des monuments controversés et dans l’érection de nouvelles statues vouées à célébrer “de nouveaux héros”. 

Pour dépasser cette question du héros représenté et dont le choix pourrait être controversé ultérieurement, elle évoque la piste de statues qui pourraient représenter un type humain plutôt qu’une personne donnée.

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Ressources

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