Avant d’étudier les possibilités d’avenir pour les statues présentes dans l’espace public liées aux périodes esclavagistes et coloniales, il s’agit de comprendre ce qu’est l’objet de statue en lui-même et ce qu’il représente. La multiplicité des aspects sous-jacents fait de la statue un objet non-identifié, responsable de la formation d’une controverse.
Avant d’étudier les possibilités d’avenir pour les statues présentes dans l’espace public liées aux périodes esclavagistes et coloniales, il s’agit de comprendre ce qu’est l’objet de statue en lui-même et ce qu’il représente. La multiplicité des aspects sous-jacents fait de la statue un objet non-identifié, responsable de la formation d’une controverse.
Avant d’étudier les possibilités d’avenir pour les statues présentes dans l’espace public liées aux périodes esclavagistes et coloniales, il s’agit de comprendre ce qu’est l’objet de statue en lui-même et ce qu’il représente. La multiplicité des aspects sous-jacents fait de la statue un objet non-identifié, responsable de la formation d’une controverse.
Avant d’étudier les possibilités d’avenir pour les statues présentes dans l’espace public liées aux périodes esclavagistes et coloniales, il s’agit de comprendre ce qu’est l’objet de statue en lui-même et ce qu’il représente. La multiplicité des aspects sous-jacents fait de la statue un objet non-identifié, responsable de la formation d’une controverse.
UN OBJET
INVISIBLE
visible dans l'espace public
Les statues, objets de controverse, sont présentes et visibles dans l’espace public. Avant la première guerre mondiale, les noms de rue ou les lieux-dits étaient définis en fonction des éléments présents dans l'environnement (fontaine, église, gare etc.). À partir de 1918, on observe l'érection des monuments aux morts dans presque toutes les villes de France, avec comme but d’inscrire politiquement une mémoire nationale dans l’espace public.
Concernant la mémoire de l’esclavage et de la colonisation, Yoann Lopez estime les lieux de mémoire très peu développés. Il affirme que la volonté de faire basculer des symboles d’histoire vers des lieux de mémoire et de recueillement a conduit à entretenir cette confusion entre l'histoire et la mémoire. Les statues envisagées au moment de leur érection ne véhiculent pas les mêmes mémoires que celles que veulent retravailler les militants, à l’image de Françoise Vergès.
En considérant le positionnement d’Achille Mbembe, la question du choix mémoriel est centrale puisque les personnes à l’origine de la statuaire à un instant T ont défini des valeurs et une histoire qu’ils souhaitent transformer en une mémoire collective de domination. Les revendications cristallisées autour des statues liées au passé colonial ou esclavagiste agissent en faveur d’une reconstruction de la mémoire ; d’une autre glorification.
materialisation d'un discours sur le passeé
Ces statues publiques sont la “matérialisation d’un discours” (Julie Deschepper) sur le passé rendu public et offert à la vue de tous. Le lieu d’une statue modifie le climat émotionnel du regard des passants qui les regardent et en étudient les détails. La notion d’infra-ordinaire développée par G. Perec permet de comprendre l'idée que l’arrêt sur image rend visible l’invisible. À titre d’exemple, la statue de la place Vendôme à Paris est emblématique de ce phénomène. Les inscriptions sur la colonne ne sont visibles qu’en prenant le temps de s’arrêter pour les regarder. Sans cet arrêt, la massivité de la pierre en occulte les détails.
" Le régime ordinaire des statues est celui de l'invisibilité "
Emmanuel Fureix, historien, maitre de conférence à l'Université Paris-est Créteil
invisibles et illisibles
Pourtant, l’historien Emmanuel Fureix souligne que le “régime ordinaire des statues est celui de l’invisibilité”. Pour Sarah Gensburger : “Il y a une forme de paradoxe (dans cette controverse) puisqu’en temps normal les statues n'intéressent personne”. Cependant “ce n’est pas étonnant qu'on utilise ces symboles du passé dans l’espace public pour porter des revendications antiracistes contemporaines”.
La publicité des statues permet leur exposition et contribue au phénomène de catharsis souligné par Emmanuel Fureix et Bertrand Tillier. C’est parce que la statue est publique, qu’attaquer la matière forme un substitut de la réalité. Atteindre la statue permet de se débarrasser symboliquement des bourreaux. Karen Taïeb raconte l’histoire des débats qui ont entouré le retrait de l'enseigne “Au Nègre joyeux”. D'abord retirée pour être rénovée, cette enseigne n'a jamais été raccrochée à son emplacement initial sur la façade d'un immeuble du 5ème arrondissement. Cette enseigne évoquait l’époque de la colonisation et réveillait un passé douloureux : “Le réaccrocher à ce lieu, à cet immeuble, au regard de notre époque actuelle et de la temporalité est indécent”. Cela souligne qu’il y a une vision des manifestations coloniales dans l’espace public et des injustices de l’histoire. Les statues des anciens esclavagistes ou colons posent problème en fonction du lieu où elles se trouvent car elles sont visibles, mises en avant dans l’espace public.
Cette invisibilité ou “illisibilité” (Fureix) des statues s’expliquent par un phénomène d’accoutumance. Laurence Bertrand-Dorléac pense que l’on ne regarde plus ce que l’on voit en permanence ; replaçant les statues dans leur rôle de décor de l’espace public. Sarah Gensburger insiste sur cette idée en affirmant que les statues ne sont pas identifiées par les passants et neutralisées. Par conséquent, une fois déboulonnées ou attaquées, l’absence de ces statues n’attire pas davantage l’attention du public. Jacqueline Lalouette considère que les statues en tant qu’objet ne véhiculent finalement pas cette mémoire puisque personne ne les voit et que rares sont ceux qui arrivent à identifier les hommes qu’elles représentent : “(...) Des statues que personne ne regardait représentant des hommes que personne ne connaissait ont été portées sur la place publique à la connaissance de tout le monde par l’action de leurs détracteurs.”
" Des statues que personne ne regardait représentant des hommes que personne ne connaissait ont été portées sur la place publique à la connaissance de tout le monde par l'action de leurs détracteurs "
Jacqueline Lalouette, historienne, membre senior de l'Institut Universitaire de France
rappels incessants d'une memoire blesséee
La statue invisible devient visible pour certaines catégories de personnes, celles dont les mémoires sont blessées par la volonté de représentation et le choix des valeurs transposées. Pour Bertrand Tillier ou Françoise Vergès, cette présence dans l’espace public pose problème puisqu’elle n’est accompagnée d’aucune explication.
Les statues sont posées là, muettes, sans contexte et sans rappel sur l’histoire coloniale. Les statues deviennent des affaires publiques et politiques à partir du moment où elles se tiennent dans l’espace public et peuvent être regardées. Cette observation est à l’origine de la légitimation du processus de déboulonnage de leurs lieux, par respect pour les victimes du passé et leurs descendants du présent mais également pour achever le processus de décolonisation selon la militante Françoise Vergès.
La visibilité ou la possible visibilité de symboles de l’esclavage et de la colonisation dans les espaces publics actuels illustre l’inachèvement des périodes coloniales et esclavagistes ; matérialisant toujours publiquement ce discours passé.
le lieu appropriée de la memoire
Au-delà de la question de la visibilité et de l'invisibilité des statues, la notion de "lieu" est centre de la controverse. Bertrand Tillier souligne que le problème n’est pas l’objet de statue en tant que témoignage historique et mémoriel mais son exposition publique.
Il ne s’agirait pas de liquider les vestiges du colonialisme mais de les destituer de leur lieu, de leur place publique pour les poser dans un lieu plus neutre comme les musées. D’autres acteurs comme Olivier Château (élu nantais) ou Yoann Lopez préfèrent laisser les statues dans l’espace public mais modifier le lieu qui les entoure pour en faire un espace de mémoire : “ Les gens lisent les plaques, plus qu’on ne le croit. Il ne faut pas croire que les gens ne lisent pas.” Yoann Lopez affirme que la publicité de la réponse apportée à la controverse sur les statues est nécessaire puisque les personnes intéressées ou concernées par celle-ci remarquent les changements dans l’espace public à l’égard de l’empreinte qui y est apposée.