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Actualiser le patrimoine controverse

 

La piste de la conservation des statues dans l’espace public est une des solutions proposées. Elle est envisagée dans une perspective d’actualisation du patrimoine. Concrètement, les statues resteraient sur leur socle mais seraient accompagnées d’éléments supplémentaires. Ce type de réponse propose un apport mémoriel, une contextualisation. La notion d’actualisation patrimoniale est évoquée par Emmanuel Fureix :  

“Le décor est devenu anachronique, pas simplement historiquement ou de manière mémorielle, insupportable aux yeux de certains. C’est cette réactualisation du parc statuaire qui est l’enjeu plus général de ces mouvements, et donc nous devons nous saisir, tous, collectivement, spécialistes et non spécialistes, citoyens de cet enjeu”.
 
Emmanuel Fureix, historien, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paris-Est Créteil

Les statues remises en question le sont en effet pour leur anachronisme. Mais, leur aspect “tridimensionnel” à l’origine de la complexité de l’objet statue justifie pour certains acteurs le fait de les conserver comme un patrimoine et un élément de l’histoire.

 

Pour Karfa Diallo, ce moyen d’actualisation peut se trouver dans le fait de proposer des plaques annexes aux monuments représentant des personnalités controversées. “Il faut que le symbole de ce qui ne doit plus jamais se passer, reste dans l'espace public, mais qu'on l'accompagne d'un dispositif critique qui soit fait dans le respect”.

 

Le maintien dans l’espace public permet de ne pas oublier mais d’éduquer, d'instruire, d’apprendre sur ce passé qui marque encore le présent. La signalétique urbaine doit être réajustée pour redonner du sens : elle doit être exemplaire et refléter les valeurs d’aujourd’hui.

 

À Bordeaux et à Nantes, les statues ont progressivement été accompagnées de plaques explicatives, QR codes. Dans le cas bordelais, cette conservation du patrimoine directement dans son espace a été envisagée par une commission “de réflexion sur la mémoire de l’esclavage et de la traite négrière” (lancée en 2016 par la ville avec des universitaires, des professionnels de la culture et des représentants associatifs et présidée par Myriam Cottias directrice de recherches CNRS).

 

Contrairement à ce qui a été produit à Nantes, la ville de Bordeaux n’avait pas les moyens de réaliser un mémorial d’aussi grande ampleur. Yoann Lopez explique que le processus engagé à Bordeaux s’est focalisé sur la tentative de neutraliser les émotions. Pour lui, le projet politique actuel à mener concerne un apaisement des mémoires, raison pour laquelle il se positionne en faveur d’un travail pédagogique à travers la ville. Il juge cette politique mémorielle très importante parce que ces plaques revêtent “un espoir politique”, “le fait qu’à Bordeaux on ne déboulonne pas, on explique, on n’enlève pas, on efface pas, on vient dire et expliquer à travers ces plaques de rues.” 

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Une pedagogie difficile 

 

Les limites de cette réponse sont présentées par Jacqueline Lalouette qui rappelle le lien entre le lieu et le statufié. Pour apporter une réponse qualitative, le lieu de la statue doit être pris en compte dans la construction du sens de la statue.

 

Ainsi, elle affirme que contester la statue de Faidherbe à Lille en invoquant son rôle dans la colonisation au Sénégal n’a pas de sens. La statue érigée à Lille a pour sens la glorification du commandant des armées du Nord de Napoléon. Justifier la contestation par son implication dans la colonisation revient à rompre le lien logique entre le monument et son lieu. Les plaques sont perçues comme insuffisantes pour décrire les autres implications ou liens entre la statue et le statufié, insuffisantes pour tout simplement raconter la vie d’un homme. Sarah Gensburger explique que ce type de dispositif pédagogique n’a pas réellement été instauré. Elle prône une mixité de la solution qui mêle rationalité et émotions.

“On sait que les plaques sont peu lues et peu remarquées. Les passants voient les plaques mais ils ne savent pas vraiment la nature de ce qu’il s’est passé”. La question intrinséquement liée est celle des émotions. La plaque offrira une réponse rationnelle à une problématique émotionnelle. “On pourrait donner un autre sens à la statue (transformer, colorier etc.) qui soit sur le même régime que l’explication. (...) Une transformation de la statue qui porte l’émotion dans la transformation”. 
 
Sarah Gensburger, sociologue de la mémoire

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