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“Le rôle des statues et monuments coloniaux est donc de faire resurgir sur la scène du présent des morts qui, de leur vivant, ont tourmenté, souvent par le glaive, l’existence des Africains.”

Qui est-il ?

A.Mbembe est un enseignant universitaire, philosophe et politologue camerounais. Ses recherches portent en particulier sur la "postcolonie" qui suit la décolonisation, ainsi que l'émergence de la culture afro-cosmopolite et les pratiques artistiques qui lui sont associées. Il a écrit de nombreux ouvrages, tels que De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine (Karthala, 2000), ou encore Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée (La Découverte, 2010).

 

Achille Mbembe a abordé la question de la présence des statues et des monuments coloniaux sur le continent africain en 2006, au travers du prisme des moyens d’exercer la domination et leur pérennité. Cette domination “doit s’inscrire non seulement sur les corps de ses sujets, mais aussi laisser des marques sur l’espace qu’ils habitent et des traces indélébiles dans leur imaginaire.”

Il explique que leur rôle est de faire resurgir sur la scène du présent “des morts qui, de leur vivant, ont tourmenté, souvent par le glaive, l’existence des Africains.”

Dès lors, les statues et monuments coloniaux n’étaient pas des “artefacts esthétiques destinés à l’embellissement des villes ou du cadre de vie en général mais bien des manifestations de l’arbitraire absolu”, l’expression physique du projet colonial.

 

“ À son tour, le culte des esprits nécessite, de bout en bout, une manière d’évocation des morts, une nécromancie et une géomancie. De ce point de vue, les statues et monuments coloniaux appartiennent bel et bien à ce double univers de la nécromancie et de la géomancie.”

 

“La plupart de ces statues représentent en effet d’anciens morts des guerres de conquête, d’occupation et de  “pacification” – des morts funestes, élevés par de vaines croyances païennes au rang de divinités tutélaires.”

 

“Le rôle des statues et monuments coloniaux est donc de faire resurgir sur la scène du présent des morts qui, de leur vivant, ont tourmenté, souvent par le glaive, l’existence des Africains.”

 

“Qu’autant de ces monuments soient consacrés à la gloire des soldats et des militaires indique à quel niveau de profondeur gît désormais, dans notre inconscient collectif, l’accoutumance au massacre. Tout y est donc, dans ces monuments de notre défaite : la célébration d’un nationalisme étranger guerrier et conquérant ; celle des valeurs conservatrices héritées des contre-Lumières et qui trouvent un terrain d’expérimentation privilégié dans les colonies ; celle des idéologies inégalitaires nées avec le darwinisme social ; celle de la mort réifiée qui accompagna l’ensemble ; et, aujourd’hui, l’abjection qui, partout nous poursuit, sans repos ni pitié, à l’étranger comme ici même, chez nous.

 

Positionnement  

La présence de ces monuments est un constant rappel de défaite, imprimant dans l’inconscient collectif l’accoutumance au massacre. Son approche est donc fondée sur la “décolonisation mentale”, afin d’élaborer des concepts originaux pour se libérer des symboles de la domination européenne, s’approprier les réalités africaines, et les inscrire dans un monde global. C’est dans cette dynamique qu’il dirige avec Felwine Sarr Les Ateliers de la pensée de Dakar.

 

Solutions envisagées

“Je propose que dans chaque pays africain, l’on procède immédiatement à une collecte aussi minutieuse que possible des statues et monuments coloniaux. Qu’on les rassemble tous dans un parc unique, qui servira en même temps de musée pour les générations à venir. Ce parc-musée panafricain servira de sépulture symbolique au colonialisme sur ce continent. Une fois cet ensevelissement effectué, qu’il ne nous soit plus jamais permis d’utiliser la colonisation comme prétexte de nos malheurs dans le présent. Dans la foulée, que l’on se promette de ne plus jamais ériger de statues à qui que ce soit. Et qu’au contraire, fleurissent partout bibliothèques, théâtres, ateliers culturels – tout ce qui nourrira, dès à présent, la créativité culturelle de demain.”

 

Chaque pays africain devrait procéder à une collecte aussi minutieuse que possible des statues et monuments coloniaux afin de les rassembler dans un parc unique, qui servira en même temps de musée pour les générations à venir. Ce parc-musée panafricain servira de sépulture symbolique au colonialisme sur ce continent. Une fois cet ensevelissement effectué, il souhaiterait qu’il ne soit plus jamais permis d’utiliser la colonisation comme prétexte de tous les maux du présent. Dans la foulée, il privilégie l’abandon définitif de l’érection de statues et qu’au contraire, soient créés des bibliothèques, théâtres, ateliers culturels afin de nourrir la créativité culturelle de demain.

 

Analogie

Françoise Vergès

Louis-Georges Tin

Pierre Tévanian

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Ressources

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