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“Faire tomber une statue, c’est pas la même chose que décrocher une plaque, débaptiser une rue ou un bâtiment, ou s’interroger sur ce qu’a été la vocation à un moment ou à un autre d’un lieu.”

Qui est-il ?

B. Tillier est historien de l’art, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses enseignements portent sur la culture visuelle et l'histoire des médias. Ses recherches concernent principalement les rapports entre les objets visuels, les arts, les discours et la politique, la reproductibilité des images fixes et la transmédialité des productions visuelles, la critique d'art et l'historiographie de l'art.


Il anime à la Sorbonne, avec Emmanuel Fureix, un séminaire intitulé « les monuments sensibles, de la Révolution française à Charleville ». Lors de son interview avec Laurent Ribadeau Dumas pour France Info, il explique sa pensée en fournissant des arguments.

 

Positionnement  

Bertrand Tillier souligne que les sculptures sont des œuvres d’art. Par conséquent, quand on détruit une statue, on détruit aussi une œuvre d’art. 

“Ce sont des sculptures, ce sont des œuvres d’art de sculpteurs parfois d’assez grands talents. Donc quand on détruit une statue, on détruit aussi une œuvre d’art.”

 

“Il y a des monuments qui ont une valeur artistique. Il y a des monuments qui ont une valeur artistique et patrimoniale. Il y a des monuments qui ont une valeur intentionnelle, ils répondent à une exigence politique, une commande politique, citoyenne etc. Et puis il y a surtout la valeur d’usage et c’est important, c’est-à-dire qu’est-ce qu’on fait des monuments ?”

 

Le risque de monosémie de l’histoire est également à prendre en compte :   

“L'histoire est polysémique, elle est très plurielle. Réduire un personnage à un moment de son action, de sa vie, est très problématique dès lors que l'issue est la destruction définitive de signes qui sont aussi des objets patrimoniaux”.

 

 “L’idée des contestataires consiste à s’intéresser de manière exclusive à une part de l’action, de la carrière, des déclarations ou de l’œuvre de telle ou telle personnalité, pour la réduire et pour étayer la justification des demandes de retrait d’une statue de l’espace public. Il s’agit donc d’un jeu politique, militant, qui inscrit les statues dans une relecture très monosémique du passé et de l’histoire.” 

 

Il  explique ce processus à travers l’exemple de la figure de Jules Ferry - “qui n’est plus considérée comme l’un des pères fondateurs de la IIIe République, pour ses grandes lois scolaires. Mais il est pointé comme l’homme de la colonisation au Tonkin”. Pour lui, dans ce genre de situation qui touchent à la “statuaire monumentale publique contestée”, il y a une nécessité de procéder à des “négociations mémorielles” pour décider du futur de ces statues.

 

Les statues sont un sujet particulier parce que ce sont des objets tridimensionnels, qui, contrairement aux plaques, représentent des corps. “Ce sont aussi des corps, des corps représentés, des corps installés dans l’espace public et auxquels on porte atteinte.” S’en prendre aux statues relèvent donc d’une dimension cathartique que ne permettent pas les plaques de noms de rue par exemple.

 

“Faire tomber une statue, c’est pas la même chose que décrocher une plaque, débaptiser une rue ou un bâtiment, ou s’interroger sur ce qu’a été la vocation à un moment ou à un autre d’un lieu.”

 

“Ce sont des mouvements qui se connectent l’un l’autre, qui se fécondent l’un l’autre et ensuite fonctionnent par des modes de relais.”

Pour lui, l’enjeu derrière ces contestations n’est pas celui de la représentation de ces hommes en tant que telle. La représentation est muette, elle ne dit rien des actions pour lesquelles ces figures historiques sont condamnables. “si on revient à ce terme de représentation, quant à elle, [elle] n’est ni bonne ni mauvaise de ce point de vue, puisqu’elle n’en dit, ni n’en montre rien.”

 

Solutions envisagées

Bertrand Tillier évoque une pluralité de possibilités (du maintien au retrait). Une des issues les plus intéressantes serait un lieu dédié, “conservatoire”, à ces statues. Cela permet de conjuguer deux dimensions essentielles : déplacer les statues qui posent problème, conserver la visibilité de ces œuvres d’art neutralisées. 

Dès lors, ce lieu “conservatoire” formerait une sorte de voie médiane, permettant d’éviter de tomber dans une forme d’excès où ne veut toucher à rien et on sanctuarise les statues, sous prétexte de leurs érections passées, qu’elles doivent continuer à subsister, même si elles blessent des sensibilités d’un certain nombre de personnes.

 

Cela permettrait également d’aborder la question de la transmission, laissant la possibilité à un moment ou à un autre, de relire autrement ces monuments et éventuellement d’en faire autre chose.

 

Analogie

Felicity Bodenstein

Laurence Bertrand Dorléac

Julie Deschepper

Emmanuel Fureix

Ressources

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