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"Peut-on transformer une société et des comportements grâce à des objets symboliques ? Ma réponse c’est que “non”."

Qui est-elle ?

S.  Gensburger est sociologue, chercheuse rattachée au CNRS. Elle travaille au croisement de la sociologie, de la science politique et de l’histoire. Ses thèmes de prédilection : « Sociologie de la mémoire et appropriations sociales du passé », « État, mémoire et politiques publiques », « Mémorialisation des attentats », « Histoire sociale de la Shoah à Paris ». 

Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages : Les justes de France. Politiques publiques de la mémoire ; A quoi servent les politiques de mémoire ? ; ouvrage augmenté pour une publication en anglais en 2020 Beyond Memory. Can we really learn from the past ? 

 

Elle propose de regarder la controverse sous l’angle de la « sociologie politique de la mémoire ». Son problème, quels sont les « effets sociaux de ces rappels publics du passé dans la période contemporaine » ? 

 

Elle reprend à son compte un concept anglo-saxon : la « décommémoration », où le déboulonnage s’inscrit dans une forme de commémoration sous forme de « retrait de l’espace public de rappels du passé ». Elle aborde donc cette controverse en s’interrogeant sur ce qu’il se joue dans l’espace public avec ces statues. En s’appuyant sur l’expérience de plusieurs enquêtes, elle constate que ces statues sont la plupart du temps invisibles, c’est à dire non identifiées par les passants, neutralisées. Et plus que cela, qu’une fois déboulonnée, l’absence de ces statues n’est pas non plus particulièrement remarquée.

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Positionnement  

Elle évoque les statues au travers de sa thèse, qui concerne l’impact des vecteurs de commémorations. En se fondant sur des études contemporaines, Gensburger soutient que « ces supports ne parlent finalement qu’à ceux qui sont déjà convaincus ».

 

« Des statues contestées #1. Tempête mémorielle dans l’espace public» (15:00)

“L’émergence de cette controverse n’est pas étonnante, son caractère transnational non plus. Parce que le cadre des politiques mémorielles telles qu’elles sont imaginées au niveau national et international intègre cette idée que les symboles de mémoire ont une fonction sociale. Rien d'étonnant donc à ce qu’ils deviennent des lieux de revendications sociales.”

 

«Des statues contestées #2. Aux sources de l’iconoclasme» (55:18)

“Le terme de déboulonnage a une connotation négative”, et surtout “il s’arrête au fait de retirer les boulons des statues” ce qui n’est qu’une partie de la question. Or, les revendications dépassent les seules statues.”

 

“Je parlerais plutôt de décommémoration (...) on se situe dans le champ de la commémoration. On cesse de voir ces pratiques comme des pratiques déviantes mais aussi on peut les inclure dans une forme de débat public autour de ce qui doit être commémorer dans l’espace public ou pas.”

 

“Le président n’a aucune voix au chapitre. C’est du ressort des communes. Si on prend le cas de Paris, il faut un processus normal, dossier instruit par les services administratifs, les élus de Paris votent pour prendre la décision de créer un nouveau nom de rue (...)”. La question de la décommémoration s’est posée un grand nombre de fois (preuve avec les conseils municipaux de la ville de Paris).” 

 

« Des statues contestées #5. Déboulonner, et après ? » (02:10)

“Peut-on transformer une société et des comportements grâce à des objets symboliques “ ? Ma réponse c’est que “non”. La question socio-économique est centrale et rejoint celle de la transmission. Est-ce la question des statues est fondamentale ou première par rapport à la question d’une réparation économique ?”. “La question symbolique n’a de sens que si elle est liée aux autres enjeux, notamment économiques”. Pour elle “il n’y a pas de for intérieur en sociologie”, donc le symbolique n’a pas cette possibilité de changer les rapports sociaux en changeant le “for intérieur” des personnes, même si cette histoire violente est très bien transmise. 

 

« Des statues contestées #5. Déboulonner, et après ? » (06:21)

“Le concept que l’on a tendance à utiliser c’est celui de “vecteur de mémoire”. On pense que les journées de commémoration, les manuels scolaires, les mémoriaux, les statues sont des vecteurs de commémoration. Or ce n’est pas une vision pertinente.”.  Si on reprend l’expression de “points de repères” (Roger Bastide, anthropologue, mémoire et amérique noire) pour accrocher les souvenirs et les revendications. Cela pourrait être une catégorie plus intéressante pour aborder les statues. C’est un lieu à partir duquel on peut apporter une revendication politique”. C’est une façon de porter une revendication dans l’espace public”.

 

« Des statues contestées #5. Déboulonner, et après ? » (24:57) 

“On sait que les plaques sont peu lues et peu remarquées. Les passants voient les plaques mais ils ne savent pas vraiment la nature de ce qu’il s’est passée”. La question c’est celle des émotions. La plaque sera du côté du rationnel mais il manque l’émotionnel. On pourrait donner un autre sens à la statue (transformer, redessiner, colorier etc.) qui soit sur le même régime que l’explication.”

 

“La principale efficacité des politiques de mémoire contemporaines n’est pas de transformer les représentations du passé ou d’orienter les comportements futurs. Leur principal effet est de créer un espace politique commun, fût-il conflictuel, en ce qu’un nombre croissant d’acteurs sociaux s’en revendiquent et y prennent part.”

 

Solutions envisagées

La solution n’est ni dans le déboulonnage ni dans le changement des figures glorifiées. Pour elle, transformer les représentations des individus ne suffit pas à modifier leurs comportements. Il faut agir sur les conditions des interactions entre individus. C’est là que se joue le changement véritable, pas seulement en luttant contre les stéréotypes. Pour ce qui de la question de l’esclavage et de son abolition, il faut traiter les conséquences économiques structurelles et poser la question des « réparations », pas celle de « l’incarnation individuelle d’un passé ».

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Analogie

Par association d’idées, on l’affilie à l’actrice Magali Bessone.

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Ressources

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